Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 25 novembre 2020 n°18-13.771
L’employeur peut prononcer un licenciement pour motif économique dès lors que les conditions requises par l’article L.1233-3 du Code du Travail sont réunies.
Cet article exige notamment la réunion d’un élément matériel, tenant à la suppression, à la transformation d’emploi ou à la modification d’emploi, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, résultant d’un élément causal tel que des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ou la cessation d’activité de l’entreprise.
En l’espèce, plusieurs salariés ont fait l’objet d’un licenciement pour motif économique en raison de la suppression de leur emploi résultant de la cessation d’activité de l’entreprise.
Contestant leur licenciement, les salariés ont saisi la juridiction Prud’homale de demande de paiement d’une indemnité supra conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts en raison de la faute ou de la légèreté blâmable de leur employeur ayant causé la perte de leur emploi.
Afin de débouter les salariés de leur demande de paiement de dommages et intérêts, la Cour d’Appel retient que les licenciements ont été autorisés par l’inspecteur du travail, en raison de la liquidation judiciaire de l’entreprise entrainant la cessation d’activité et donc la suppression des postes de ces salariés.
Les salariés ont ainsi formé un pourvoi incident, faisant grief à la Cour d’Appel de les avoir déboutés de leur demande de condamnation de leur employeur au paiement de dommages et intérêts en raison de sa légèreté blâmable ayant conduit à la cession d’activité de l’entreprise.
Ils considéraient en effet que, même dans le cas où leur licenciement a été autorisé par l’inspecteur du travail en raison de leur qualité de salarié protégé, ceci ne les empêche pas de rechercher si la cessation d’activité résultait de la faute ou de la légèreté blâmable de l’employeur et le cas échéant de solliciter l’octroi de dommages et intérêts.
La Cour de Cassation fait droit à la demande des salariés considérant que l’inspecteur du travail n’a pas à rechercher si la cessation d’activité résulte d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur.
La Cour de Cassation transpose donc ici la règle déjà établie par le Conseil d’Etat selon laquelle dans le cadre d’une cessation d’activité, l’inspecteur contrôle exclusivement, outre le respect des règles procédurales et des garanties conventionnelles, que la cessation d’activité est bien totale et définitive et que le cas échéant l’employeur a bien respecté son obligation de reclassement.
Dès lors, l’autorisation de procéder au licenciement d’un salarié protégé par l’administration ne fait pas obstacle à ce que ce dernier mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l’employeur en demandant réparation des préjudices causés par la faute ou la légèreté blâmable de l’employeur pendant l’exécution du contrat de travail.
L’arrêt de la Cour de Cassation permet ainsi aux salariés protégés, dans le respect de la séparation des pouvoirs, d’engager la responsabilité de leur employeur si leur licenciement résulte d’une faute ou d’une légèreté blâmable. Cette possibilité étant jusqu’alors uniquement réservée aux salariés non-protégés, pour lesquels aucune autorisation préalable de l’administration n’est requise.
En l’espèce, les salariés disposaient ainsi de la faculté de solliciter l’octroi de dommages et intérêts non pas au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais sur le fondement de la responsabilité civile de l’employeur au titre de la perte de leur emploi.
Dès lors, le barème d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3 du Code du Travail n’a pas ici vocation à s’appliquer. Il est fait application du principe d’indemnisation intégrale des préjudices subis.
Dans une situation similaire, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation avaient d’ores et déjà jugé que, dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration du travail de vérifier que celle-ci est réelle et justifie son licenciement.
En revanche, elle n’a pas à rechercher la cause de cette inaptitude, y compris lorsqu’elle résulte d’un harcèlement moral (CE 20 novembre 2013 n°340591, Cass. Soc. 27 novembre 2013 n°12-20.301, Cass. Soc. 11 Septembre 2019 n017-31.321).